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18 novembre 2016
De retour sur Rennes (où on a décidé d'installer la brasserie du Vieux Singe) je suis allé à la rencontre de Stéphane, Thomas et Jules de la brasserie Skumenn, chez qui j'ai passé deux semaines.
Leur brasserie a démarré il y a moins d'un an dans la périphérie de Rennes (à Acigné), et leur approche ressemble pas mal à la notre : ils cherchent à faire évoluer le paysage brassicole local en apportant quelques styles peu connus dans nos contrées.
Ils font de la bière Mega Pure (comme ils disent si bien !), avec plein de houblon dedans. Une fois que j'y ai mis un pied, j'ai bien eu du mal à repartir ;)
Je profite donc de ce billet pour faire quelques retours sur ces deux semaines passées en leur compagnie.
D'une manière générale, le stage était bien porté sur l'aspect pratique des choses, ce qui était bien complémentaire avec l'aspect théorique que j'ai pu avoir chez la brasserie Le détour.
On a eu l'occasion de brasser deux fois : une Amber Ale et une Rye IPA. La première fois, j'étais surtout en posture d'observation, question d'être sur de bien comprendre tout ce qui se passait, et comment le matos fonctionnait. La seconde, c'était moi aux manettes (avec Jules derrière, pour vérifier que tout se passe correctement) !
J'étais assez content à la fin de la journée d'avoir réussi à gérer le tout sur une brasserie de cette taille: que d'émotion :-) C'était la première fois ! Assez chouette de devoir faire attention aux moindres détails, et de ne rien oublier.
Enfin… pour la petite histoire, je me suis levé le lendemain matin avec un bon gros coup de flip : «les levures !» J'avais dû partir avant la fin du transfert en fermenteurs et les gars avaient terminé et ensemencé, bien sur ! Ouf.
D'une manière générale, c'est un plaisir d'opérer une brasserie de cette taille, c'est très confortable d'avoir des pompes puissantes pour le transfert et des boules de lavage pour nettoyer les fermenteurs.
Je crois que le plus impressionnant est la pompe de whirlpool (procédé utilisé pour déposer le houblon et autres grains dans le fond de la cuve) : là où j'ai l'habitude de créer un vortex à la main, leur système (PBC) a une pompe qui aspire par le bas et renvoie sur le coté, créant le vortex automatiquement. Pas mal :-)
Dans les petits détails assez chouettes, ils utilisent un mechanisme qui permet de refroidir le moût pour prendre sa température plus facilement : il s'agit simplement de deux tuyaux en inox mis l'un dans l'autre, dans lesquels on vient mettre un jet d'eau froide.
J'ai pu voir quelques différences entre nos manières de faire : Ici l'empatage dure deux heures. D'après quelques lectures, je n'arrive pas à savoir s'il s'agit d'une bonne pratique ou d'une habitude de facto. En tout cas ce ne sont pas les seuls à faire ainsi dans le coin !
Dans un épisode précédent, Thomas de la brasserie du Détour m'indiquait que la plupart des sucres sont extraits durant les premières 30mn, du coup ces deux heures paraissaient bien étonnantes.
Chouette, une excuse pour faire quelques recherches… À suivre :-)
Nous sommes en train de nous intéresser à l'impact du pH dans la fabrication de la bière. J'avais commencé un peu à creuser, et j'ai pu prendre un peu de temps pour avancer la dessus pendant mon stage. Le fait que Jules sorte d'études assez poussées en microbiologie était vraiment riche !
Malheureusement, pendant mon stage, le pHmêtre était hors d'état de nuire, et la seule correction faite (pour l'eau de rinçage) l'était un peu à l'aveugle.
J'ai depuis fait quelques recherches et je me suis rendu compte de l'importance du pH pour un nombre incroyable de choses (activité enzymatique, extraction des tannins, précipitation des protéines …). Il n'est pas impossible que l'on se penche sur le sujet dans un futur proche.
Lors des discussions, il est principalement ressorti qu'il faut faire attention à ne pas négliger la garde à froid, très importante pour la clarté de la bière. Ça nous a amené sur des discussions sympathiques notemment sur le temps de houblonnage à cru necessaire et son impact sur le goût de la bière.
Ah, le houblonnage à cru ! Cette petite merveille qui confère ces goûts si intéressants à nos bières. J'ai appris que soutirer à la fin de la fermentation (avant la phase de houblonnage à cru) permet d'éviter certains goûts non souhaités liés aux levures, chose que nous choisissons de ne pas faire sur notre matos actuel pour des raisons de simplicité. A garder en tête :)
Ce n'est plus vraiment un secret : Skumenn va sortir un Imperial Stout, vieilli en barique (super projet) !
De bon matin, avant la mise en bouteille, nous avons ouvert des tests de re-sucrage, pour savoir comment les bulles se comportent et quel est l'impact des levures sur le goût (certaines bouteille avaient reçu des nouvelles levures également).
L'approche était assez nouvelle pour moi et assez intéressante ! Ça me donne bien envie de faire de même pour nos recettes : on se pose souvent la question de combien de sucre mettre dans les bouteilles, et la réponse n'est pas clair. Fonctionner avec une approche de test et itérations me semble prometteuse.
Au détour, j'ai appris l'existence d'un outil apellé "aphromètre", qui permet de mesurer directement la pression présente dans la bouteille, afin de resucrer juste comme il faut. En combinant les deux methodes, on peut donc arriver à des resultats assez précis.
Au moment où je suis arrivé, une nouvelle étiqueteuse était arrivée, et on attendait plus que les rouleaux d'étiquettes pour l'utiliser. J'ai pu donc faire un peu d'étiquetage sur les deux systèmes et me rendre compte des différences.
D'un coté, une étiqueteuse que je vais appeler "semi-automatique": on prend une bouteille manuellement, on la met dans la machine, l'étiquette se dépose et on enchaîne. De l'autre côté, une étiqueteuse automatique avec charriot convoyeur : on dépose les bouteilles nues d'un coté, et on les récupère étiquetées de l'autre, prêtes à être mises en carton.
Je dois bien dire que cette nouvelle machine "envoie du steak ™", et au niveau du ticket d'entrée le prix semble valoir le coup, surtout quand on cherche à éviter les postes pénibles. A suivre, mais expérience bien intéressante :-)
Une de nos interrogations est sur le système de fûts que nous souhaitons utiliser. Skumenn à fait le choix d'avoir des fûts inox de 20L. C'est assez pratique parce que pas trop lourd, mais necessite de prendre le temps de lavage: laver des fûts c'est les dépressuriser, les ouvrir (pas extrêmement pratique), les rincer, leur balancer de l'alcalin durant 4mn, les re-rincer et les faire sécher. Puis ensuite les remplir.
Bon, dit comme ça, ça semble réellement horrible, mais en pratique ça se fait quand même. À mettre en perspective avec les systèmes de type Key-Keg qui eux sont jetables, ou les Ecofass qui ont une enveloppe récupérable en plastique dur (moins lourd !) et une poche jetable.
Pendant mon passage, notre American Pale Ale, «Nouveau Monde» était à peine prête, et je n'ai pu m'empêcher d'en emmener trois petites bouteilles 33cl pour déguster et avoir des retours.
Et… c'était vraiment plaisant : Stéphane a trouvé la même petite odeur de fraise que Fred (du Vieux Singe), et dans l'ensemble je crois que la bière a plu.
Ça rassure, héhé :-)
Bon, et parce que monter une brasserie ce n'est pas que faire de la bière, j'ai un peu touché à d'autres choses.
En arrivant à la brasserie, Stéphane me fait part de leur envie de changer de logiciel de comptabilité : ils utilisent actuellement un logiciel payant (Sage One) qui n'est pas assez puissant / détaillé pour leurs besoins. L'idée est donc de passer sur Dolibarr.
Une fois quelques modules installés (notamment pour faire la gestion des douannes et des frais d'accises) on essaye d'importer les données depuis l'ancien système, pour rapidement se rendre compte que les exports que l'on peut avoir ne sont pas suffisants.
Après un appel rapide à la brasserie du Détour (qui eux aussi utilisent Dolibarr), on se rend compte que le logiciel est en fin de compte assez mal supporté par les experts comptables et on le met donc de coté, au profit d'une solution maison plébiscitée par les cabinets comptables (mais payante, bien sûr).
Un peu triste, mais en l'état le système qu'on a essayé (même avec quelques fonctionnalités avancées) semble nécessiter quelques développements spécifiques pour pouvoir être exploitable correctement. Pour plus tard, peut-être.
D'une manière générale, je suis ravi de ces quelques semaines passées chez Skumenn. Les échanges étaient riches et l'esprit général à la coopération.
Comme le dit bien Stéphane, aux U.S.A, plus il y a eu de petites brasseries, mieux la bière locale s'est vendue, et nous sommes bien sûr sur la même longueur d'ondes ! Merci à vous Stephane, Thomas et Jules, et vive les craft beers !